La Valise aux Merveilles

Être autiste au beau milieu d’une pandémie (et l’apprendre en même temps…)

 

J’ai toujours eu des petites particularités, on m’a dit capricieuse, que j’avais de petites manies, que j’étais difficile. On m’a déjà dit que j’exagèrais ce que je ressentais.

« Voyons donc, tu exagères donc ben ce n’est rien! »
« Va falloir que tu te fasses une carapace. »

Douée à l’école, j’ai continué mon petit bonhomme de chemin en dérangeant à gauche à droite, en me faisant demander de fiter dans le moule, de me calmer, de mieux agir, de mieux me tenir… en acceptant un peu que je sorte du lot.

Mes cheveux de couleurs ont rapidement fait apparition sur ma tête connectée différemment. À la majorité, piercing et tatouages sont venus s’ajouter peu à peu. J’avais besoin de trouver mon identité m’ayant toujours sentie différente, loin de tout le monde comme si je n’étais pas d’ici, venant d’une autre planète.

Photo de Tom Leishman sur Pexels.com

Peu à peu, avec le temps, je choisis mes amis, je les laisse m’approcher. On dit souvent de moi que je suis sans émotion, le visage neutre. Qu’on a du mal à me lire, à me comprendre.

Bonne nouvelle, je ne me comprends pas moi-même.

Je deviens experte en camouflage, me trafiquant pour fiter avec qui je me tiens tout en apprenant ce qui se fait ou pas. Je regarde des séries qui ne m’intéressent pas vraiment pour apprendre comment agir. Quand sourire, quand regarder dans les yeux. Comment entrer en relation avec quelqu’un. J’observe souvent les gens.

« Toi pis ta face pas d’expression, à quoi tu penses? »
« Arrête de fixer de même »
« Voyons, t’es ben bête. »

2018, on me diagnostique un TDAH, mais en apprenant à me connaître avec cette étiquette, je trouve qu’il manque encore un morceau de casse-tête.

Je pousse mes questionnements, pourquoi ai-je encore du mal avec mes relations sociales? Pourquoi je suis toujours si fatiguée? Pourquoi on me découvre comme une bête curieuse même si j’essaie de me confondre dans la masse? Pourquoi suis-je si hypersensible à la lumière, les sons, les textures, la température, le bruit, les gens, à toute..?

Les néons m’agressent, certaines odeurs me donnent le goût de vomir ou me révulse à me pousser à partir. (Allo ! C’est juste une odeur de déodorant!) Après mon mariage, je me suis sentie en hangover de monde. Comme si j’avais pris la brosse de ma vie alors que je n’ai pas bu du tout. L’air climatisé me fait mal à la peau et je pourrais en nommer encore et encore.

Photo de Olya Kobruseva sur Pexels.com

 

« T’as pas l’air handicapée Joanie. T’as pas l’air à avoir de la misère, à avoir besoin d’aide. »

Ça, c’était avant la pandémie dans le bureau de mon docteur, car je voulais de l’aide supplémentaire.

Chère Docteure, je n’ai pas l’air d’avoir de la misère ou d’avoir besoin d’aide, car j’ai un réseau très fort qui m’aide beaucoup dans la majorité de mes sphères de vie. J’ai un réseau que je sens à bout de souffle et je ne comprends pas pourquoi.

Photo de cottonbro sur Pexels.com

Et la maudite pandémie.

Masques, nouvelles règles, anxiété générale. J’ai peur, je ne comprends pas tout du premier coup, ça doit être le choc.
Nous sommes dans les premiers à porter le masque avant son obligation. J’essaie 3-4-5-6-10 type de masque réutilisable différent. Ça me goss la peau, derrière les oreilles… j’ai juste le goût de me l’arracher, mais d’un autre côté, le personnel soignant le porte toute la journée et bien d’autres, je peux bien faire mon effort.

Peu à peu les masques apparaissent de plus en plus et deviennent finalement obligatoires. Les visières sont un peu partout. Je n’entends rien, je comprends fuck all. J’ai peur de demander de répéter, car je sais que tout le monde est écœuré. J’angoisse, je ne veux plus aller dans les commerces.

Et la maudite pandémie.

Masques, nouvelles règles, anxiété générale. J’ai peur, je ne comprends pas tout du premier coup, ça doit être le choc.
Nous sommes dans les premiers à porter le masque avant son obligation. J’essaie 3-4-5-6-10 types de masques réutilisables différents. Ça me gosse la peau, derrière les oreilles… j’ai juste le goût de me l’arracher, mais d’un autre côté, le personnel soignant le porte toute la journée et bien d’autres, je peux bien faire mon effort.

Peu à peu, les masques apparaissent de plus en plus et deviennent finalement obligatoires. Les visières sont un peu partout. Je n’entends rien, je comprends fuck all. J’ai peur de demander de répéter, car je sais que tout le monde est écœuré. J’angoisse, je ne veux plus aller dans les commerces.

J’en viens à me dire que je lisais probablement beaucoup sur les lèvres et que ça aidait à mieux capter mon attention. Mais depuis bien avant la pandémie je me questionne, ai-je plus qu’un TDAH? Je me trouve intense sur le sensoriel pour n’avoir qu’un diagnostic de TDAH. Et avec ce qu’on vit en pandémie, mes doutes se confirment.

« Es-tu fâché Math? »
« Ça va Math? »

Ça, c’est moi quand on a des masques, je ne décode pas le visage des gens, je ne comprends rien. Comme si j’étais dans un pays étranger avec une barrière de langue.
Je deviens dépassée rapidement en toute situation, mes barrières sont faibles contre les divers stimulus…

À l’automne, je décide de foncer, je demande à avoir une évaluation en neuropsy quitte à la payer. (J’ai eu mon diagnostic de TDAH par mon médecin de famille). Lorsque je fais la pré entrevue, je parle de mon TDAH, mais aussi de mon anxiété, de mes doutes sur une possible douance, mais de mes doutes aussi pour l’autisme… c’est une des premières fois que je prononce vraiment le mot me concernant.

Lors de mon évaluation, ma neuropsy me pose plein de questions pour voir si je corresponds au portrait type. Il faut savoir que l’autisme de haut niveau, anciennement asperger, est vécu bien différemment chez la femme. Je vous laisse ici un lien pour en savoir plus .

Je me rends compte au fur et à mesure de ses questions que je fais du « stimming » pour me calmer, qu’effectivement je ramène souvent à moi, que j’ai du mal à comprendre les expressions, que je prends souvent au pied de la lettre ce qu’on me dit. J’apprends aussi que chez la femme, les intérêts particuliers sont plus discrets comparativement à nos homologues masculins. Je constate que mes manies avec les ustensiles (je ne mange qu’avec les cuillères à dessert, que je soupèse les ustensiles avant d’en choisir un.), qu’il m’arrive de faire du mutisme sélectif et que mon impression de ne comprendre personne depuis l’arrivée des masques pèse beaucoup dans la balance. Mon camouflage n’est pas qu’un simple camouflage, mon camouflage est un masque que je m’oblige à porter, car j’ai appris à vivre en société. Je reproduis ce qu’on m’a demandé pour bien passer, pour être accepté.

Photo de Cliff Booth sur Pexels.com

Je suis une batante, j’ai mis en place bien des choses pour fonctionner. Mon fidèle Bambou m’aide beaucoup à parler à des gens que je ne connais pas. Il est un bon prétexte. Mon amoureux aussi, il en fait des pieds et des mains pour m’aider à me réaliser et à m’adapter à vous.

Je ne suis pas capricieuse, je ne suis pas bête, je n’exagère pas.

En effet, je ne suis pas comme toi et j’apprends beaucoup à ton contact. Mon cerveau est connecté différemment. Je suis une autiste de haut-niveau anciennement appelé Asperger.

Ai-je l’air d’avoir besoin d’aide? Non, car j’ai appris à ne pas le montrer. Mais je suis fatiguée de ne pas vous comprendre et d’essayer de me faire passer pour vous.

L’éloignement social aura contribué à me faire perdre ma capacité à utiliser ma seconde langue, vos règles de société, de comment interagir. Un peu comme de l’anglais qu’on aura pas pratiqué pendant un moment. J’ai perdu beaucoup de mes capacités sociales et je redoute beaucoup de ne pas retrouver mon costume d’humain lors des prochaines activités en grand groupe. Vais-je me rappeler de ne pas fixer quelqu’un alors que j’essaie de le comprendre? Vais-je me rappeler qu’on doit regarder dans les yeux lorsqu’on parle?



Photo de Olya Kobruseva sur Pexels.com

Merci à tous mes amis qui le savent déjà, ceux à qui j’en ai déjà parlé m’ont dit : « t’es pas obligée de te camoufler avec moi. » Ça m’a fait chaud au cœur, mais c’est rendu, un réflexe, une seconde nature. J’apprends à me découvrir moi-même.
Je suis un être bien complexe, mais j’adore mon identité maintenant que je la connais. Cet article est mon coming out, je trouvais que le mois d’avril était un bon moment pour ça…

Y’a des gens qui ont appris à faire du pain, d’autres à se couper les cheveux. On aura tous appris quelque chose dans cette pandémie. Moi c’est que je suis Aspie. 🙂

Joanie Mercier

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